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Le balcon revisité

« Le balcon » (1956) est une pièce de Jean Genet (1910 – 1986). Des notables, parmi lesquels un évêque, fréquentent la maison de Madame Irma. La première réplique et la dernière sont de l’auteur.

L’évêque : en vérité, ce n’est pas tant la douceur de l’onction qui devrait définir un prélat, mais la plus douce intelligence. Le cœur nous perd.

Irma : Monseigneur, si vous êtes venu dans ma maison pour vous perdre par le cœur, disons plutôt par un organe qui se situe plus bas, je peux vous faire une proposition des plus honnêtes.
L’évêque : et laquelle, mon enfant ? Tu peux te confier à moi, je suis tout ouie. Si tu as beaucoup péché, il te sera beaucoup pardonné.
Irma : Monseigneur, nous ne sommes pas en confession. Et, pour le moment, ce n’est pas moi qui m’apprête à pécher.
L’évêque : certes, certes , mon enfant !
Irma : je voulais simplement vous recommander la jeune Thérèse.
L’évêque : ah, Thérèse ! Comme celle de Lisieux ? Ou celle d’Avila ?
Irma : Disons qu’elles ont toutes des spécialités bien différentes. Ma petite pensionnaire ne jeûne pas, ne porte pas de silice et n’a pas de stigmates. En revanche…
L’évêque : en revanche…
Irma : … du point de vue d’une certaine liturgie, elle le connaît sur le bout des doigts, son missel.
L’évêque : là vous m’intéressez mon enfant : la liturgie est une chose qui, de nos jours, est bien trop négligée. Comment imaginer le divin sacrifice sans elle ?
Irma : la Vérité sort de votre bouche Monseigneur. Avec Thérèse comme enfant de chœur, vous serez tellement ravi que vous ne pourrez pas dire « ite missa est » avant que ne pointe le petit jour.

Le lendemain matin :
Irma : Il faut vous en aller… Vous passerez à droite par la ruelle (elle éteint une dernière lumière). C’est déjà le matin.

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