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Les zéros…

… ne comptent pas », m’avait dit mon institutrice de CP à l’occasion d’une leçon d’arithmétique. Ce n’est qu’un peu plus tard que j’ai compris que tout dépendait de leur position.

Il y a maintenant vingt-cinq ans, oui déjà, j’avais obtenu d’être détaché en Angleterre par mon employeur, IBM France.
La Grande-Bretagne avait – thanks God – abandonné depuis des années son diabolique système monétaire à base duodécimale. Système dont le seul but semblait d’avoir été créé pour que les jeunes Français soient bien incapables de rien vérifier quand le boutiquier leur rendait la monnaie, lors de leurs achats de souvenirs. En effet, comment calculer si les farthings, les pence, les shillings, les guineas, les half a crown rendus, correspondaient bien à ce qui était dû ? En 1985, c’était plus simple : la livre sterling avait été divisée en cent pence et valait environ dix francs français. Donc pas d’erreur possible… A moins que… A moins que l’inconscient ne s’en mêle…

Mon travail consistait à contrer la concurrence dans le domaine des ordinateurs personnels. A l’époque, il s’agissait surtout de la société britannique Amstrad. Cette société appliquait des méthodes commerciales très dynamiques, avec un grand succès. C’était vraiment notre concurrent numéro un. Malgré tous mes efforts et ceux de mes collègues, les ventes des PC Amstrad étaient de plus en plus florissantes. Cette forte croissance se reflétait sur le cours de son action, qui ne cessait de progresser. Que n’aurais-je pas donné pour réussir à inverser l’insultante courbe de leurs ventes !

Cependant, un beau matin, l’idée me vint que moi aussi, je pourrais profiter de cette hausse boursière. Après un rapide coup d’œil sur l’état de mon compte chèques, je me rendis à ma banque pour donner un ordre d’achat de X actions Amstrad. Très satisfait de ma sagacité, je regagnai mon bureau. C’est là qu’un doute me prit. Hélas ! Tant mes neurones que ma calculette ne cessaient de me fournir les mêmes résultats. Inconsciemment, je m’étais trompé d’un zéro dans mes calculs, j’avais opéré une micro-OPA sur notre concurrent ! A mon échelle, j’avais voulu m’approprier une partie de cette société si florissante. Au lieu d’acheter pour dix mille francs d’actions, j’avais passé – en livres sterling - un ordre de cent mille francs. Tout en invoquant les mânes de maître Sigmund, j’appelai immédiatement ma banque pour annuler l’ordre. Dammed it ! Celui-ci avait déjà été exécuté. Mon si efficace banquier m’accorda un prêt pour éviter la revente de mes actions. Je ne les revendis que six mois plus tard. Leur prix avait doublé.

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