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Ulysse : la véritable histoire

- Je me suis encore pris le pied dans un de tes nouveaux tapis !
Ulysse était visiblement furieux : sa barbe en tremblait de colère. Pénélope leva lentement un œil mascarisé de dessus son ouvrage pour regarder son mari.
- En tous les cas, tu n’es pas tombé sur le marbre comme tu aurais pu le faire si je n’avais pas meublé ton palais si froid avec ma production. A propos, j’ai vu dans « Palais et jardins » un nouveau modèle de tenture de type Mycène qui serait parfaite pour mes thermes privés et qui…
Déjà le roi d’Ithaque avait tourné les talons. Il commençait à en avoir son pesant d’ouzo des tapis de sa femme. Il se rappelait comment toute cette histoire avait commencé. Le jour de leur mariage, comme le voulait l’antique tradition, il avait soulevé Pénélope dans ses bras pour lui faire franchir le seuil de son palais :
- Mais c’est glacial ici (crio avait-elle dit en grec), je ne m’habituerai jamais !
De déception, il avait failli la lâcher, ce qui lui aurait évité une crampe aux bras car la mère de Pénélope pratiquant uniquement la cuisine à l’huile d’olives extra-vierge, sa fille avait tendance à l’embonpoint.
Pour ne pas la voir retourner chez sa génitrice, ce qui aurait eu un effet désastreux sur son royal prestige, Ulysse lui avait donc commandé ce fameux métier à tisser. Et du métier, elle en avait vite acquis… énormément même. Aidée par quelques esclaves, sa production augmentait si rapidement qu’à chaque calende grecque elle faisait ses comptes :
- Mon chéri, tu vas être ravi : depuis les ides de mars, mon rendement a encore augmenté de 32,5 % et tout ceci sans perte de qualité. D’ailleurs Nikos Rastapopoulos me dit que j’ai des doigts de fée et que…
Il n’en pouvait plus le roi. De l’air de l’air !!! Il prit son casque pour sortir, car il était chauve et craignait les coups de soleil sur le crâne. Une fois dans les jardins du palais, il se mit à réfléchir. Eole poussait gentiment de petits nuages dans un ciel d’azur et apportait, comme sur un plateau, le léger bruit des vagues. Dire que je ne suis jamais sorti de mon île et un jour, je serai trop vieux pour voyager ! Si au moins elle laissait tomber son ouvrage le soir, quand je me sens d’humeur badine. Mais non ! A chaque fois que je veux la lutiner, elle me dit :
- Mais lâche-moi les spartiates ! Tu n’y penses pas, je n’ai pas le temps pour la bagatelle moi, je dois finir la commande que m’a passée Les Trois Crétois, sans compter celle pour La Forteresse. Ce qu’il te faudrait, c’est une bonne petite guerre loin d’ici. D’ailleurs le roi Agamemnon est en train de rassembler une flotte qui…
Tout en réfléchissant, Ulysse était arrivé sur la plage. Il eut l’impression que la mer (thalassa en grec) lui faisait un clin d’œil. Une mouette d’une taille très inhabituelle passa à lui toucher le casque. Par tous les dieux, Neptune lui lancerait-il une invitation ? Pas besoin de prendre les augures. Sa décision fut immédiatement arrêtée : il partirait avec Agamemnon en croisière pour faire un peu de sport devant la ville de Troie, puis une fois la guerre gagnée, oui, il prendrait son temps, du bon temps, pour rentrer. En retournant au palais pour faire sa valise, Ulysse rêvait déjà de bagarres, de sirènes, de filles de roi, de cyclopes et de magiciennes.

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